J’ai eu une histoire avec des moments difficiles, dira-t-on de façon délicate. Blessée et en colère dans mon enfance, j’ai vécu pendant des années avec des sentiments négatifs enfouis.
Je n’entrerais pas dans la discussion sur « Peut-on tout pardonner ? » « Faut-il pardonner ? » ou que sais-je …
Décider de pardonner est à mon sens une question très personnelle et engage surtout (essentiellement) vous.
Pourquoi pardonner ?
Je ne crois pas que si on ne pardonne pas, nous sommes voués à brûler dans les flammes éternelles. Il n’y a pas à mon sens d’obligation à pardonner. Et je ne suis pas sûre que pardonner « par obligation » soit un bon chemin pour arriver à pardonner. Quand on pardonne « par obligation », c’est un pardon qui trouve sa source dans l’obligation sociale (ou religieuse), pas forcément au fond de nous.
Ce que je peux vous dire néanmoins est qu’il m’a semblé nécessaire de pardonner pour me permettre de continuer à avancer et pour me libérer de ces sentiments de colère, de tristesse, d’amertume qui venaient me polluer insidieusement. De plus, ayant des enfants, j’ai ressenti le besoin de ne pas leur transmettre ces sentiments pollueurs : car les enfants ont des antennes à sentiments. Ils ressentent tout de façon très forte, beaucoup plus forte que l’on peut l’imaginer.
Comment pardonner ?
J’ai d’abord commencé par le mental/l’intellectuel : mentalement, j’ai décidé de pardonner et de lâcher les sentiments négatifs avec lesquels on a construit certains moments de notre histoire. J’ai décidé qu’il n’y avait plus de victime (moi) ni de persécuteur (l’autre).
J’ai reformulé mon histoire pour enlever ces termes de « victime » sans défense et de « méchant persécuteur » sans coeur. Ce n’est pas si facile à faire…
La femme victime d’un pervers narcissique qui ressort brisée de la relation, est une victime (ou l’homme avec une perverse narcissique !). L’enfant maltraité et/ou mal aimé est une victime… Victime d’une relation toxique avec un parent, de violences sexuelles lorsqu’on est enfant, adolescent ou adulte…
C’est un parcours difficile à faire : d’abord, on fuit le persécuteur, on se reconstruit dans cette dualité victime – persécuteur, on panse ses plaies, on essaie de continuer à avancer… Puis un temps arrive où l’on se sent assez guéri et fort pour pardonner et changer l’histoire que l’on se raconte et que l’on raconte aux autres. Etre une victime sans se sentir victime. Prendre de la distance, ne plus être coupable ou fragile d’avoir été victime.
Qui est concerné par le pardon ?
C’est un avis très personnel, mais pardonner me concerne moi et ma relation à l’autre à qui je pardonne. L’autre n’a pas forcément besoin d’être au courant que je lui pardonne, ni d’être partie prenante de façon physique à cette démarche de pardon. Je n’ai pas à mon sens besoin de son consentement. D’ailleurs, le « persécuteur » n’a souvent pas la même vision : il n’est pas persécuteur, vous n’êtes pas la victime.
Dans une relation toxique (avec un parent, un proche, un ex-conjoint…), c’est nous qui considérons que la relation est toxique. De l’avis de l’autre, il n’y a parfois rien d’anormal ou alors tout est de notre faute. La communication est difficile, voire impossible sur ce sujet et il est souvent rare que l’autre accepte de prendre le costume du « méchant »…
Il n’est donc parfois pas possible de dire à l’autre que l’on pardonne – ou que l’on est dans cette démarche de pardon : parce que les ponts sont coupés, parce que ce n’est plus possible (décès, maladie avec perte des fonctions mentales…) ou parce que la personne continue à être dans une relation/posture toxique et qu’il n’est pas possible de lui dire qu’on lui pardonne.
Mais en pardonnant, on modifie la relation à l’autre pour que sa toxicité ou le souvenir de sa toxicité ne nous atteigne plus. On n’est alors plus atteint et pollué par les sentiments négatifs.
Comment pardonner au fond de soi ?
Quand les blessures sont très profondes et marquent l’inconscient, on peut intuitivement sentir que le pardon n’a pas été mené jusqu’au bout… même si le discours, la façon dont on raconte l’histoire apparaît « ok ». Il y a encore de l’émotion, des « choses » qui ne nous semblent pas encore apaisées.
Sentant que j’arrivais au bout de ce que j’étais capable de faire seule et qu’il restait deux-trois choses à « déminer », j’ai demandé l’aide de mon thérapeute.
Ma sophrologue m’a proposé deux méthodes – suivant qui était l’autre (parent, ex,…) et la nature de la relation – :
– la cérémonie de pardon
– les bonhommes allumette.
Dans la cérémonie de pardon, en état de « sophronisation » (état de détente mentale atteint grâce à la voix du sophrologue), elle m’a suggéré d’accueillir l’autre (« ancien persécuteur ») dans un lieu « refuge » que j’avais préalablement choisi. Et je lui ai pardonné en sa présence « virtuelle ».
Les bonhommes allumette permettent de couper les liens toxiques avec une personne en « conscience », donc éveillé avant la séance de sophrologie. Vous pouvez faire cette technique chez vous d’ailleurs. Puis la sophrologue m’a suggéré de refaire ce travail des bonhommes allumette en état de « sophronisation » : j’ai donc inscrit inconsciemment cette rupture des liens toxiques encore présents.
Je suis sortie plus légère de ces séances, laissant s’évaporer cette tristesse ancienne.
L’avantage de pardonner en état de conscience modifié – sophrologie, hypnose/hypnothérapie… – est que le pardon s’inscrit dans l’inconscient, au plus profond de notre être.
Voici mon retour d’expérience sur comment pardonner. Pardonner pour avancer d’une manière plus légère sur notre chemin de vie !
Et vous, comment avez-vous fait pour pardonner ? Avez-vous eu des difficultés ?
photo : 🙁 Tristeza par Tricôs da Minha Blythe / CC BY 2.0